Balzac La Comédie Humaine Analyse de texte Etude de l'œuvre 100 analyses de texte de la Comédie Humaine de Balzac Description détaillée des personnages Classement par 7 types de scènes 26 tomes étudiés en détail

Petites misères de la vie conjugale

LA COMEDIE HUMAINE – Honoré de Balzac

XVIIIe volume des œuvres complètes de H. DE BALZAC par Veuve André HOUSSIAUX, éditeur, Hébert et Cie, Successeurs, 7, rue Perronet, 7 – Paris (1877) F:\Personnages illustrés Balzac\P1070861.JPG   PETITES MISERES DE LA VIE CONJUGALE    

Analyse Nous imprimons dans le présent tome Petites misères de la vie conjugale suivi de fragments de la Pathologie de la vie sociale : le Traité de la vie élégante, la Théorie de la démarche et le Traité des excitants Modernes. Ces compléments des Etudes analytiques, la troisième des grandes divisions de la Comédie humaine n’avaient pas été compris dans l’édition de 1842 préparée et présentée par Balzac. Dans cette édition, les Etudes analytiques ne sont représentées que par la Physiologie du mariage. Ces compléments n’étaient pas indiqués non plus dans le Catalogue des ouvrages que comprendra « La Comédie humaine » qui fut publié par Amédée Achard en 1845. Les Petites misères de la vie conjugale ne furent jointes à La Comédie humaine qu’en 1855, après la mort de Balzac, dans un tome d’œuvres posthumes par un nouvel éditeur, Mme Houssiaux, qui avait acheté les droits de Furne et Hetzel, les concessionnaires de l’édition de 1842. Quant aux trois fragments présentés sous le titre Pathologie de la vie sociale, ils furent ajoutés plus tard aux éditions de La Comédie humaine et incorporés aux Etudes analytiques auxquelles ils se rattachent évidemment. Petites misères de la vie conjugale (Ecrit par Honoré de Balzac à Paris, 1824-1829) Cet essai qui parut en 1846, mis en vente à la fois par l’éditeur Chlendowski et par les éditeurs Roux et Cassanet, est regardé par Balzac comme une suite à la Physiologie du mariage. Il l’annonçait déjà à Mme Hanska en décembre 1843 comme un ouvrage qui devait « être mis dans une nouvelle édition de la Physiologie du mariage ». Des termes analogues étaient employés dans le contrat qu’il signa en février 1845 avec Chlendowski : ce contrat précisait que l’ouvrage « devait être inséré dans la Physiologie du mariage ». Les éditeurs Roux et Cassanet présentèrent même la nouvelle œuvre de Balzac sous le titre Physiologie du mariage, Petites misères de la vie conjugale. Malgré ces déclarations, il est clair que Balzac n’avait jamais eu l’intention de donner une suite à la Physiologie du mariage. En réalité, Petites misères de la vie conjugale est une œuvre en marge de La Comédie humaine qui ne contribue pas à remplir un blanc dans les cases prévues par le plan général de Balzac. Ce fut, une simple opération financière pour laquelle Balzac utilisa des « fonds de tiroir » ou des « croquis de mœurs » qu’il avait fait paraître quelque temps auparavant dans différentes publications. F:\Personnages illustrés Balzac\P1070731.JPG Les Petites misères de la vie conjugale se composent, en effet, de trente-cinq petites scènes humoristiques qui appartiennent à diverses époques de la production de Balzac. Il les a présentées en les attribuant à deux personnages symboliques, un mari qu’il appelle Adolphe, une jeune femme qu’il nomme Caroline. Deux des scènes de la vie conjugale de ce jeune ménage, l’une qui décrit la visite d’un médecin demandé par Madame qui a des vapeurs, l’autre qui raconte une méprise de Caroline sur un sympathique couple d’amoureux qu’elle a vu se caresser dans l’immeuble d’en face, sont deux petits articles que Balzac avait publiés dans La Caricature, un journal satirique auquel il collaborait en 1830. Onze autres scènes avaient paru en 1839, sous le titre général de Petites misères de la vie conjugale, dans une autre série de La Caricature qu’on appelle La Caricature non politique. Elles sont placées en majorité dans la première partie des Petites misères. Une troisième série de dix scènes avait été publiée enfin dans le recueil collectif Le Diable à Paris de l’éditeur Hetzel en août 1844, sous le titre, Philosophie de la vie conjugale. Ces scènes appartiennent également pour la plupart à la première partie des Petites misères de la vie conjugale. Hetzel fut tellement satisfait de l’accueil du public qu’il tira de ses articles une plaquette in-12 publiée en 20 livraisons à 15 centimes, mises en vente de juillet à novembre 1845 sous le titre de Paris marié. Ce fut, apparemment, le succès de cette opération qui donna à Balzac l’idée de la reprendre à son compte sous une forme plus étendue. Dès le mois de décembre 1845, il faisait publier dans le quotidien La Presse une dernière série de « scènes », la plupart de celles qui constituent aujourd’hui la deuxième partie des Petites misères, ce qui lui permettait ainsi de disposer de la matière d’un volume. En même temps, Balzac signait avec un de ses nouveaux éditeurs, le Polonais Chlendowski, le traité des Petites misères de la vie conjugale, traité qui ne mit pas fin aux aventures de son livre. L’année 1845 avait été, en effet, pour Balzac une année de voyages et de vacances. Ce fut une des années les plus heureuses de sa vie. Il la consacra en partie à une joyeuse randonnée à travers l’Europe en compagnie de Mme Hanska, de sa fille Anna et du fiancé de celle-ci, le comte Georges Mniszeck. Le 25 avril 1845, Balzac rejoignit Mme Hanska et ses compagnons à Dresde d’où ils partirent pour un séjour aux eaux de Cannstadt près de Stuttgart qui dura un mois et un périple sur le Rhin jusqu’à Strasbourg qui se termina le 9 juillet. Le voyage avait été très agréable. Balzac et ses amis, ayant vu à Cologne une représentation des Saltimbanques, une parade en trois actes de Dumersan et Varin, avaient eu l’idée de distribuer entre eux les rôles qui les avaient fait rire. Balzac était devenu le compère de la troupe sous le nom de Bilboquet, Mme Hanska était Atala, héroïne pour laquelle Bilboquet soupirait, tandis que Georges et Anna étaient deux charmants comparses, Zéphirine et Gringalet. La troupe s’était beaucoup promenée, s’était livrée aux tentations et aux satisfactions du bric-à-brac. En rentrant à Paris, Balzac était accompagné de Mme Hanska et de sa fille qu’il avait installées dans un petit appartement de la rue de la Tour. Il y eut encore dans les semaines suivantes une longue excursion en Touraine et dans le Berry, puis une expédition en Belgique et en Hollande. Finalement, Balzac ne revint à Paris que le 30 août. Ce fut pour peu de temps. Après avoir quitté Paris pendant quelques jours à la fin du mois de septembre pour un rapide voyage à Baden, Balzac repartit à la fin du mois d’octobre avec les mêmes compagnons pour les suivre jusqu’à Naples d’où il retourna ensuite à Paris. Son retour eut lieu le 7 novembre. Ce calendrier et ces conditions de travail expliquent qu’on trouve dans les Petites misères de la vie conjugale quelques traces de hâte et même des contradictions. Adolphe et Caroline ne sont que des noms qui évitent d’écrire à chaque instant Monsieur et Madame. Néanmoins, comme on parle d’eux comme de personnages d’un bout à l’autre du livre, le lecteur finit par leur conférer une sorte d’individualité. Alors on s’étonne qu’un couple marié depuis cinq ans, comme on nous le précise dans le chapitre intitulé La Campagne de France, ait pu penser à mettre leur enfant au collège comme on en discute dans un chapitre antérieur La Conduite des femmes. Ce même Adolphe est, du reste, un personnage à transformations. Il fait des affaires, et même de mauvaises affaires dans la première partie : mais dans la seconde partie, il est devenu un écrivain s’occupant à l’occasion de journalisme et qui ne compte que pour une des « utilités » qui figurent sur la scène littéraire. Caroline est tantôt une petite provinciale mariée à vingt-sept ans, tantôt une « jeune personne » du Faubourg Saint-Honoré, élève de l’Institution réputée des demoiselles Mâchefer. Tout cela n’a aucune importance, le lecteur acceptant dès le début les personnages comme des marionnettes de la vie conjugale qui ne sont là que pour la démonstration. Mais il est significatif que Balzac n’ait pas pris la peine de rectifier ces contradictions faciles à corriger. Le plan des Petites misères de la vie conjugale révèle la même désinvolture. L’ouvrage est divisé en deux parties, précédées chacune d’une préface. Dans l’une de ces préfaces, Balzac explique que la première partie est consacrée aux petites misères par lesquelles les maris font leur apprentissage, tandis que la seconde partie décrit les déceptions de la jeune femme. En réalité, la distribution des scènes entre les deux parties dépend d’un autre classement. F:\Personnages illustrés Balzac\P1070732.JPG F:\Personnages illustrés Balzac\P1070762.JPG F:\Personnages illustrés Balzac\P1070947.JPG Dans la première partie, Balzac décrit, en effet, des déceptions et des malentendus qui se produisent dans les premières années du mariage. Caroline est encore jeune : elle est ignorante, elle fait des « gaffes », elle a des ambitions naïves de jeune mariée, elle voudrait une voiture, une maison de campagne, des toilettes qui lui permettent de briller, des sorties. La mise au point du train de vie contrarie ses rêves. Mais ces petites frustrations ne concernent que l’ostentation, elles n’atteignent que la vanité. Dans la seconde partie, dont la plupart des chapitres appartiennent à une période plus tardive de la rédaction, les blessures sont plus profondes, ce sont les déceptions de la sensibilité. Adolphe n’est plus aussi amoureux que dans les premiers mois, il n’a ni la fortune, ni la situation morale qu’on espérait, c’est l’imagination qui doit battre en retraite devant la réalité. Les petites déceptions de l’amour, l’échec des petits soins conjugaux, le renoncement au bonheur parfait annoncé par d’imperceptibles symptômes, sont des blessures plus cruelles, plus profondes que les déboires de la vanité. C’est aussi l’époque de la jalousie, de l’espionnage, de l’humiliation, et de ce qui est pire, l’acceptation. On reconnaît, alors, le peintre des « études de femmes », plus attentif, plus sensible que le joyeux journaliste de la première partie. F:\Personnages illustrés Balzac\P1070948.JPG Est-ce vraiment la suite de la Physiologie du mariage ? Les Petites misères de la vie conjugale sont-elles des applications ou plutôt des illustrations de la Physiologie du mariage ? On peut les présenter ainsi. Et c’est bien probablement le sens que Balzac leur donnait quand il les regardait comme la « suite » de la Physiologie. Mais il y a d’abord entre les deux œuvres une différence dans l’orientation de l’objectif. Les femmes dont Balzac analyse la conduite dans sa Physiologie du mariage appartiennent par leur train de vie, par leurs manières, par leur situation, par leur habitation même, à l’aristocratie. Ce sont des femmes du « Faubourg Saint-Germain » : au temps de Balzac, une définition sociale. Le ménage symbolique des Petites misères se trouve en présence de difficultés qu’on ne rencontrait jamais dans la Physiologie du mariage : leurs amis sont, comme eux, des ménages bourgeois, leur train de vie, leurs inquiétudes, leurs ambitions, leur « milieu », en somme, appartiennent à un autre niveau social. Ce sont des femmes du « Faubourg Saint-Honoré », quartier neuf dans lequel habitent des nouveaux riches, des banquiers, des commerçants qui ont réussi. C’est une première différence. Il y en a une autre, aussi caractéristique. Les femmes de la Physiologie sont des femmes de la Restauration, les douairières ont connu le règne de Louis XVI. Les femmes des Petites misères sont des femmes du temps de Louis-Philippe, elles appartiennent à ces nouveaux venus qui arrivent aux frontières de la vie mondaine, mais qui ne font pas encore partie de cette société où l’on a des grand-mères, des souvenirs et un passé. Les Petites misères de la vie conjugale ne sont qu’une satire bourgeoise, tandis que la Physiologie du mariage était une réflexion sur les mœurs présentées par un « jeune célibataire » dont on sentait très bien qu’il était « M. de Balzac », avant de devenir « M. le comte de Balzac ». F:\Personnages illustrés Balzac\P1070979.JPG C’est cette différence d’altitude dans le poste d’observation qui fait la différence entre la Physiologie du mariage et les Petites misères de la vie conjugale. La réflexion sur les mœurs était en 1830 un prologue de La Comédie humaine. Elle présentait les comtesses et les duchesses des Scènes de la vie parisienne et, en même temps, l’instrument au moyen duquel on pouvait comprendre leurs calculs, leurs ruses et leur vie. Les Petites misères de la vie conjugale ne sont, au contraire, que des vues de lanterne magique qui n’ont qu’une valeur d’anecdotes. Elles n’ajoutent rien, elles ne démontrent rien, elles sont étrangères même à la pensée qui nourrit tout le système descriptif de La Comédie humaine. Il ne faut donc pas s’attendre à trouver dans les Petites misères de la vie conjugale les thèses ou les réflexions qui méritent à la Physiologie du mariage la place que Balzac lui donne dans les Etudes analytiques. En dépit de la vivacité et de la verve du style, de la richesse de la « création métaphorique », à cause d’elles peut-être, car Balzac s’applique un peu trop à « briller », Pierre Citron a pu parler à propos des Petites misères d’une « désolante facilité ». Et Per Nykrog, dans son étude parue en Suède sur La Pensée de Balzac dans « La Comédie humaine » reproche même aux éditeurs de Balzac d’avoir obéi aux indications de l’auteur en maintenant parmi les Etudes analytiques une œuvre « manifestement étrangère » aux idées que Balzac regardait comme essentielles.                      F:\Personnages illustrés Balzac\P1070794.JPG Source analyse : préface, étude recueillie d’après le texte intégral des œuvres de la Comédie Humaine publié par, France Loisirs 1986, sous la caution de la Société des Amis d’Honoré de Balzac.   

No Comments
Post a Comment