Balzac La Comédie Humaine Analyse de texte Etude de l'œuvre 100 analyses de texte de la Comédie Humaine de Balzac Description détaillée des personnages Classement par 7 types de scènes 26 tomes étudiés en détail

Le Père Goriot

LA COMEDIE HUMAINE – Honoré de Balzac IXe volume des œuvres complètes de H. DE BALZAC par Veuve André HOUSSIAUX, éditeur, Hébert et Cie, Successeurs, 7, rue Perronet, 7 – Paris (1877)

Scènes de la vie privée
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Le père Goriot à la pension Vauquer

  LE PERE GORIOT   

Analyse de l’oeuvre Le Père Goriot fut publié pour la première fois dans les livraisons de décembre 1834 et de janvier 1835 de la Revue de Paris, puis aussitôt après en librairie, sans être classé d’abord dans aucune des grandes divisions de l’oeuvre de Balzac. Dans un album tenu par Balzac, au milieu de notes relatives à l’année 1834, on trouve cette indication : « Sujet du Père Goriot. Un brave homme ; pension bourgeoise ; 600 francs de rente ; s’étant dépouillé pour ses filles, qui toutes deux ont 50’000 francs de rentes, mourant comme un chien. » L’événement qui a servi de modèle, dit Balzac, quelques années plus tard , « offrait des circonstances affreuses et comme il ne s’en présente pas chez les Cannibales ; le pauvre père a crié pendant 24h d’agonie pour avoir à boire, sans que personne vienne à son secours – ses deux filles étaient l’une au bal, l’autre au spectacle, quoiqu’elles n’ignorassent pas l’état de leur père ». Le 18 octobre 1834, Balzac annonçait en ces termes à Mme Hanska la nouvelle oeuvre qu’il voulait en tirer :  » La peinture d’un sentiment si grand que rien ne l’épuise, ni les froissements, ni les blessures, ni l’injustice ; un homme qui est père, comme un saint, un martyr est chrétien.  » Tel est le point de départ de l’oeuvre. Au début, Balzac veut en faire une nouvelle. Il croit pouvoir l’écrire en quelques jours. Mais bientôt, en cours d’exécution, les proportions et le sens du roman évoluent. A son imprimeur Everat, Balzac envoie une lettre pour lui signaler que Le Père Goriot ne sera pas une  » nouvelle  » comme il avait été prévu tout d’abord mais une oeuvre beaucoup plus longue. A Mme Hanska, le 28 décembre 1834, Balzac donne de son roman une description qui complète sa première définition :  » Le Père Goriot est une belle oeuvre, mais monstrueusement triste. Il fallait, pour être complet, montrer un égout moral de Paris et cela fait l’effet d’une plaie dégoutante. » Quelques jours plus tard, Balzac constate :  » C’est au-dessus de toutes mes précédentes compositions… Eugénie Grandet, l’Absolu tout est surpassé…les plus acharnés ennemis ont plié le genou, j’ai triomphé de tout, des amis comme des envieux. » L’idée que Balzac veut exprimer dans son oeuvre est le caractère impitoyable de la pression exercée par l’argent dans une société qui ne s’intéresse qu’aux satisfactions de la vanité aux dépens des sentiments naturels. Le drame qu’il veut montrer est un des drames typiques qui se produisent alors, lorsqu’une passion violente, exclusive, est broyée par cette pression impitoyable. La moralité qu’il veut en tirer est que ce système entraîne la dégradation des consciences en invitant les plus adroits à préférer les itinéraires courts qui mènent rapidement à la fortune par des moyens peu scrupuleux. Le résultat est un roman dans lequel l’argent et la vanité mondaine sont les ressorts de l’action : et, en même temps, un drame symbolique dont les personnages sont la victime, le vieux Goriot, le cynique, le révolté Vautrin, le témoin Rastignac. Ce drame est vu par les yeux de Rastignac qui était venu de sa province pour faire son droit et qui découvre le monde tel qu’il est : c’est donc aussi l’histoire d’une initiation.  » L’égout moral de Paris  » n’est pas cette misérable pension Vauquer, caverne inconnue des promeneurs, où se trouvent réunis des retraités, des étudiants, de joyeux compagnons dont les ressources sont énigmatiques, ce sont au contraire ces existences brillantes dont chacune a sa plaie secrète. Les vies privées les plus luxueuses sont aussi des repaires impénétrables. Paris est un théâtre sur la scène duquel se jouent chaque jour des tragédies inconnues. Les cercles fermés où l’on fait fortune sont d’un accès difficile. La chance de Rastignac est d’appartenir à une famille de province dont le nom ouvre des portes. C’est le début de son initiation. Les premières pages du roman, le brouhaha de la pension Vauquer, l’odeur de pension, les sparteries piteuses, les plaisanteries de la table d’hôte, cet extraordinaire terrier rempli de grouillements et d’effluves n’est qu’un prélude. L’action commence quand Rastignac prend une voiture de place pour aller présenter des cartes chez la comtesse de Restaud et chez la vicomtesse de Beauséant, sa parente. Il comprend alors qu’il est non seulement difficile de faire partie de cette société brillante et exclusive, mais qu’il est aussi difficile de s’y maintenir. Tout y est piège et tout y est représentation. Il faut pour participer à cette communauté une façade de richesse et d’élégance que sa famille ne peut lui fournir. C’est alors que se place sous les tilleuls de la pension Vauquer la grande scène dans laquelle Vautrin explique à Rastignac la règle du jeu pour faire fortune. Après lui avoir montré l’impasse où le conduisaient ses études de droit, Vautrin commence brutalement sa profession de foi :  » Une rapide fortune est le problème que se proposent de résoudre en ce moment cinquante mille jeunes gens qui se trouvent tous dans votre position. Vous êtes une unité de ce nombre-là… Savez-vous comment on fait son chemin ici ? Par l’éclat du génie, ou par l’adresse de la corruption… Le travail, compris comme vous le comprenez en ce moment, donne, dans les vieux jours, un appartement chez maman Vauquer à des gars de la force de Poiret… L’honnêteté ne sert à rien.  » Et il passe à l’application de ces principes.  » Si vous voulez promptement la fortune, il faut être déjà riche ou le paraître. Pour s’enrichir, il s’agit de jouer de grands coups, autrement on carotte… Tirez-en vos conclusions. Voilà la vie telle qu’elle est. Ce n’est pas plus beau que la cuisine, ça pue tout autant et il faut se salir les mains si l’on veut fricoter ; sachez seulement vous bien débarbouiller : là est toute la morale de notre époque.  » Quant aux moyens, ils varient, selon les circonstances :  » Paris voyez-vous est comme une forêt du Nouveau Monde, où s’agitent vingt espèces de peuplades sauvages, des Illinois, les Hurons, qui vivent du produit que donnent les différentes chasses sociales : vous êtes un chasseur de millions.  » Il énumère :  » Les uns chassent à la dot, les autres chassent à la liquidation, ceux-ci pêchent des consciences… Celui qui revient avec sa gibecière bien garnie est salué, fêté, reçu dans la bonne société.  » Et, naturellement, pour Rastignac, c’est la chasse à la dot que lui propose Vautrin. Il lui désigne une gentille orpheline chlorotique qui vit près de lui, à la pension Vauquer, dont un duel peut faire du jour au lendemain une riche héritière. Rastignac, épouvanté, cherchera une autre voie : et il la trouve. Malgré son refus, il a été troublé par le cynisme de Vautrin. Car ce cynisme rejoignait une autre leçon qui venait de lui être donnée auparavant par la vicomtesse de Beauséant. Il l’avait trouvée dans un moment de désespoir. L’homme auquel elle avait voué toute sa vie l’a quittée. Dans sa douleur, elle avait été aussi franche que Vautrin était cynique.  » Le monde est infâme et méchant, lui avait-elle dit. Eh bien, monsieur de Rastignac, traitez ce monde comme il le mérite. Vous voulez parvenir, je vous aiderai. Plus froidement vous calculerez, plus avant vous irez. N’acceptez les hommes et les femmes que comme des chevaux de poste que vous laisserez crever à chaque relais… Voyez-vous, vous ne serez rien ici si vous n’avez pas une femme qui s’intéresse à vous. Il vous la faut jeune, jolie, élégante… A Paris, le succès est tout, c’est la clé du pouvoir. Si les femmes vous trouvent de l’esprit, du talent, les hommes le croiront… Vous pouvez alors tout vouloir, vous aurez le pied partout. Vous saurez alors ce qu’est le monde, une réunion de dupes et de fripons.  » C’était, dans un autre mode, le même discours que celui de Vautrin. Et, il se terminait par la même proposition. La vicomtesse de Beauséant jetait dans les bras de Rastignac l’une des filles de Goriot, Mme de Nucingen, femme d’un ambitieux banquier. Le drame se déroule alors en deux séries de scènes qui illustrent ces avertissements.  » La fortune à tout prix ! s’écrie Rastignac, or et amours à flots.  » Mais comme Vautrin n’a pas tenu compte du refus de Rastignac, il prépare le duel qu’il a prémédité. Rastignac est invité par Mme de Nucingen : il est élégant, il est transformé, mais il est effrayé par les dépenses auxquelles il est obligé, il hésite. C’est le sort qui décide. L’arrestation de Vautrin fixe l’avenir de Rastignac . La férocité et l’audace de Vautrin se déploient dans la scène prodigieuse de verve et de coloris dans laquelle il enivre les pensionnaires de Mme Vauquer avec ses bouteilles de vieux bordeaux mêlé de narcotique. La gaîté de Vautrin, sa truculence, puis, le lendemain, son sang-froid, sa maîtrise de lui-même au moment de son arrestation donnent une puissance et une réalité extraordinaires à ce personnage de roman noir. La scène se termine sur les plaintes homériques de Mme Vauquer devant les catastrophes qui atteignent sa pension. C’est fini avec Vautrin. Et Goriot, vainqueur, va inaugurer avec Rastignac la coquette garçonnière que Delphine a meublée pour leur amour. Aussitôt après, le lecteur est en plein drame. Le vieux Goriot apprend soudain, d’un seul coup, la tragédie de ses deux filles, Mme de Nucingen ruinée par son mari qui a engagé sa dot dans des spéculations, Mme de Restaud avouant qu’elle a payé les dettes de son amant, qu’elle a vendu des bijoux qui ne lui appartenaient pas, que son mari sait tout, qu’elle est ruinée elle aussi et qu’elle a ruiné ses enfants. Cette scène sauvage est l’une des plus belles et des plus poignantes des oeuvres de Balzac. Les cris du vieux Goriot lorsqu’il voit s’écrouler le rêve de toute sa vie, ses désirs de vengeance, les accusations qu’il porte contre lui-même dans son désespoir, la jalousie et la haine des deux soeurs qui s’insultent devant lui, et soudain Goriot, assommé par cette double catastrophe, hurlant, s’abattant enfin, anéanti par son impuissance, par cette avalanche de millions à trouver en quelques heures, foudroyé par une congestion de rage et de désespoir dans cette chambre sinistre où sanglotent auprès de lui deux femmes que tout le monde croit riches, heureuses et enviées, c’est une image frappante de ces tempêtes qui naissent du choc furieux des passions contre les digues infranchissables que les lois et le monde dressent devant elles. Le roman se termine après cette grande scène sur la double défaite de ceux qui ont cru à quelque chose. Mme de Beauséant reçoit le Tout-Paris ; on se presse chez elle le jour où a été signé en présence du roi le contrat de mariage de l’homme pour qui elle a tout sacrifié. Goriot paraît pour la dernière fois à la table d’hôte de la pension, hébété, tremblant, et la congestion fatale se déclare dans les jours qui suivent. Alors commence son agonie, ses cris, ses appels, son attente de ses filles, dans cette pension lugubre d’où tout le monde est parti. Dans cette déroute, tout est sinistre. Le valet de chambre erre, effaré, Mme Vauquer et ses servantes gémissent et s’inquiètent, non de la mort, mais du dénuement de leur pensionnaire, Rastignac met sa montre au Mont-de-Piété, son ami Bianchon et lui entourent le vieux Goriot d’énormes sinapismes et ils n’ont plus d’argent pour les derniers frais et même pour un simple pourboire : Goriot, tout d’un coup devenu personnage shakespearien, voit la cruauté des hommes et l’impuissance des lois, il voit sa défaite sans remède, et, dans cette agonie, il découvre, il voit soudain ce qu’il n’avait jamais voulu voir, l’ingratitude et l’égoïsme de ses deux filles. A son dernier instant, l’illusion qui avait été toute sa vie vient charitablement à son secours et il meurt, apaisé, en caressant les cheveux de Rastignac qu’il a pris pour les cheveux de sa fille appelée en vain. Le cercueil sur deux tréteaux sur le trottoir de la pension, le corbillard des pauvres, la messe glacée, et, au cimetière, les deux carrosses armoriés, vides, symboliques, qui se présentent pour suivre le convoi, terminent le roman sur une grisaille de cauchemar. La dernière image, célèbre, est celle de Rastignac, debout, contemplant du haut du Père-Lachaise  » les beaux quartiers  » qui s’étendent de la place Vendôme aux Invalides et leur jetant son cri de rage :  » A nous deux maintenant.  » Rastignac est-il l’ambitieux dont il est devenu l’image ? Après Le Père Goriot peut-être, mais dans Le Père Goriot ? Ce qui est sympathique en lui c’est que, justement, il ne se conduit pas comme un ambitieux. Il est jeune (il a 21 ans), il est confiant, généreux, instinctif : tout le contraire d’un calculateur.  » Moi et la vie, dit-il, nous sommes comme un jeune homme et sa fiancée. » Et c’est vrai. Son affection pour le père Goriot est spontanée. Elle n’est pas un calcul. Son indignation chez Mme de Beauséant est un naïf élan du coeur, son amour pour Delphine de Nucingen n’est pas un mensonge, il est sincèrement heureux d’être aimé. Il est sympathique justement parce qu’il n’est pas dans le camp des habiles, il est du côté des victimes. C’est la mort du père Goriot qui le fait changer de camp, il devient ensuite, mais ensuite seulement, un autre Rastignac. Rastignac sert à guider le lecteur, mais il n’est pas le personnage principal. Vautrin non plus. Sa carrure, sa force, sa physionomie même, c’est, physiquement, l’acteur Frédérik Lemaître quand il jouait Robert Macaire dans L’Auberge des Adrets, mais transposé dans le régime de la violence. Dans Le Père Goriot, Vautrin n’en est encore qu’au début de sa carrière, Balzac le présente seulement. Le personnage principal est bien celui qu’indique le titre, le père Goriot. C’est bien, comme l’avait annoncé Balzac,  » un homme qui est père comme un saint un martyr est chrétien ». La paternité est, en effet chez lui, une prédestination. Il a une particularité des grands imaginatifs : il vit du bonheur de ses filles, leur bonheur ou leur chagrin se répercutent en lui, prennent la place de sa vie.  » Je vis deux fois « , dit-il à Rastignac.  » Il aime Rastignac, dira plus tard Balzac, parce que sa fille l’aime. » C’est à la fois une délégation et une appropriation du bonheur. Sentiment vrai, ajoute Balzac, et plus fréquent qu’on ne le croit.  » Que chacun regarde autour de soi et veuille être franc, dit-il, combien de père Goriot en jupons ne verrait-on pas ?  » La vérité humaine du père Goriot est la vérité des passions, elle n’a rien à voir avec la bienséance ou la morale. Ces sentiments exclusifs et absolus ont une brutalité qui est celle des sauvages. Goriot est gênant, disait André Bellessort, quand il parle de ses filles avec les effusions et l’emportement d’un amant. C’est que, dit encore Balzac,   » le bonhomme est en révolte contre les lois sociales par ignorance et par sentiment comme Vautrin l’est par sa puissance méconnue et par l’instinct de son caractère ». Il est lui aussi un sauvage, « un Illinois, un Huron de la Halle au Blé  » : un sauvage, car toute passion transforme ainsi.

L’Histoire Il s’agit là d’expliquer la passion exclusive et absolue d’un père pour ses filles. L’indigence et la déchéance progressive de cet homme qui se ruine et se fait l’esclave de ses filles qui le renient et qui ont honte de lui. Eugène de Rastignac, est le fils d’une famille de province de renom. Parent de Mme la vicomtesse de Beauséant par les Marcillac, et soutenu par elle, il se voit ouvrir les portes des meilleurs hôtels et des plus grandes fortunes. Ebloui par les fastes du monde, Eugène délaisse ses études pour conquérir la noblesse et c’est sur Mme de Nucingen qu’il jette en premier son dévolu avant de se tourner vers sa sœur Madame de Restaud. Vautrin qu’il côtoie à la pension Vauquer, lui explique que l’honnêteté ne sert à rien et que pour obtenir promptement la fortune, il faut être riche ou le paraître et être un chasseur de millions : les uns chassent à la dot, les autres chassent à la liquidation, etc. C’est la chasse à la dot que propose Vautrin à Rastignac en lui désignant Victorine Taillefer, la jeune pensionnaire chlorotique de la pension Vauquer. En effet, Victorine, déshéritée au profit de son frère se verrait alors l’héritière de la fortune familiale si celui-ci venait à disparaître. Vautrin l’a bien compris et c’est la chasse à la dot qu’il propose à Rastignac. Le complot est le suivant : Vautrin se charge de mandater un de ses hommes de mains pour tuer en duel le frère de Victorine. Ce service que Vautrin estime à 200’000 francs payable après le mariage de Rastignac avec la riche héritière épouvante Eugène qui cherchera une autre voie en devenant l’amant de Mme de Restaud. La fortune à tout prix s’écrie Rastignac, or et amours à flots ! Mais comme Vautrin n’a pas tenu compte du refus d’Eugène, il prépare le duel qu’il a prémédité. Rastignac est invité par Mme de Nucingen : il est élégant, il est tranformé. Il est toutefois effrayé par les dépenses auxquelles il doit faire face, il hésite (il a demandé une avance financière importante à sa mère et à ses sœurs). C’est le sort qui décide. L’arrestation de Vautrin fixe l’avenir de Rastignac. Après s’être saigné aux quatre veines pour ses deux filles, le vieux Goriot apprend soudain, leur tragédie. Mme de Nucingen est ruinée par son mari qui a engagé sa dot dans des spéculations hasardeuses. Mme de Restaud avoue qu’elle a payé les dettes de son amant (le comte Maxime de Traille) en vendant les bijoux appartenant à la famille de son mari – qu’elle est ruinée elle aussi et qu’elle a ruiné ses enfants. Cette scène sauvage est l’une des plus belles et des plus poignantes des œuvres de Balzac. Les cris et la douleur du vieux Goriot lorsqu’il voit s’écrouler le rêve de toute sa vie, ses désirs de vengeance, les accusations et les reproches qu’il porte contre lui-même dans son désespoir : (pour lui ce drame est la résultante de l’éducation laxiste et passionnée vouée à ses enfants trop gâtées). La jalousie et la haine des deux sœurs qui s’insultent devant lui. Cette haine résulte notamment de la différence sociale qui existe à l’époque entre la bourgeoisie et la noblesse. La noblesse ne se mêle pas et ne reçoit pas la bourgeoisie. Delphine en refusant sa porte à sa sœur lui ferme tous les salons ou brillent l’esprit et la fortune. Anastasie ne pardonnera jamais cette insulte à sa sœur. Goriot accablé de douleur, impuissant par cette avalanche de millions à trouver en quelques heures est foudroyé par une congestion cérébrale. C’est dans cette chambre sinistre, glacée dénuée de tout et où sanglotent ses deux filles chéries que tout le monde croit riches, heureuses et enviées qu’agonisera le pauvre père. C’est une image frappante de ces tempêtes qui naissent du choc furieux des passions contre les digues infranchissables que les lois et le monde dressent devant elles. Le roman se termine avec la mort terrible du père Goriot qui jusqu’à son dernier souffle espèrera la visite de ses filles en vain. Seuls Rastignac et Bianchon, l’étudiant en médecine et pensionnaire à la maison Vauquer soigneront et assisteront le pauvre père dans son agonie. Malgré leurs instances et leurs prières à Anastasie et Delphine pour que leur père ait une sépulture digne de lui, aucun argent ne leur sera délivré et c’est Rastignac et son ami le médecin qui se dévoueront et se cotiseront, en dernier hommage au vieil homme, pour lui offrir le corbillard et la messe des pauvres. Au cimetière, les deux carrosses armoriés, symboliques mais vides de leurs occupants, suivront le convoi – seuls Bianchon et Rastignac écoeurés de tant d’indifférence, de tant de sécheresse de cœur accompagneront sincèrement le défunt dans sa dernière demeure. La dernière image, célèbre, est celle de Rastignac contemplant du haut du Père-Lachaise « les beaux quartiers » qui s’étendent de la pace Vendôme aux Invalides et leur jetant son cri de rage « A NOUS DEUX MAINTENANT !»

Source analyse : Préface et histoire recueillies d’après le texte intégral des œuvres de la Comédie Humaine (Tome VI) publié par France Loisirs 1985 sous la caution de la Société des Amis d’Honoré de Balzac.

Les personnages Le père Goriot, (1750-1820) marchand de céréales, fabricant de vermicelles et pâtes d’Italie qui a épousé la fille d’un fermier de la Brie. Anastasie Restaud, née vers 1791, fille de Monsieur Goriot, épouse du comte de Restaud. Delphine Nucingen, née en 1792, fille de Monsieur Goriot, épouse du banquier Nucingen (haute bourgeoisie). Eugène de Rastignac, Eugène est issu d’une famille noble de l’Angoumois représentée par un baron de Rastignac qui vit près d’Angoulême qui a épousé une je ne sais qui, d’où Eugène, né en 1798, étudiant puis ministre et comte. Il épouse en 1838 Augusta de Nucingen, la fille de Delphine. De cette union naît Laure-Rose, née en 1801 et Agathe née en 1802. Toutes les deux se marient, l’une (Laure ou Agathe) avec Martial de la Roche-Hugon, l’autre l’on ne sait pas. Mme Couture, veuve d’un commissaire-Ordonnateur de la République française et mère adoptive de Victorine Taillefer. Elle est une des pensionnaires de la maison Vauquer. Mlle Victorine Taillefer, abandonnée par son père Frédéric Taillefer, fournisseur aux vivres puis banquier, né en 1779 et mort en 1831 est recueillie par Mme Couture à la pension bourgeoise Vauquer. Le père de Victorine, marié deux fois a du premier lit: Frédéric, tué en duel par Franchessini et Victorine. M. Poiret, retraité du ministère des Finances et interne à la pension Vauquer. M. Vautrin, de son vrai nom, Jacques Collin, né en 1779, bagnard évadé et malfaiteur connu sous le nom de Trompe-la-mort,  puis chef de la Sûreté. Interne à la pension Vauquer. Mlle Michonneau, Christine-Michelle, épouse de Poiret et pensionnaire de la maison Vauquer. Mme Vauquer, née de Conflans, propriétaire de la pension Vauquer, née en 1765. Le Père Goriot est un roman dans lequel l’argent et la vanité mondaine sont les ressorts de l’action. C’est en même temps un drame symbolique dont les personnages sont la victime, le vieux Goriot, le cynique et révolté M. Vautrin, le témoin Rastignac. Ce drame est présenté par les yeux de Rastignac qui venu de sa province pour y faire son droit, découvre le monde tel qu’il est : vénal, vaniteux, sans sentiments.

Source généalogie des personnages : Félicien Marceau « Balzac et son monde » Gallimard.

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Le père Goriot agonisant

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Delphine de Nucingen entre son amant Eugène de Rastignac et son vieux père Jean-Joachim Goriot.

 

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