La Vieille Fille
LA COMEDIE HUMAINE – Honoré de Balzac VIIe volume des œuvres complètes de H. DE BALZAC par Veuve André HOUSSIAUX, éditeur, Hébert et Cie, Successeurs, 7, rue Perronet, 7 – Paris (1877)
Scènes de la vie de province Rose Cormon LA VIEILLE FILLE
Dédicacé, A MONSIEUR EUGENE-AUGUSTE-GEORGES-LOUIS MIDY DE LA GRENERAYE SURVILLE INGENIEUR AU CORPS ROYAL DES PONTS ET CHAUSSEES Comme un témoignage de l’affection de son beau-frère, De Balzac. La vie de Balzac en 1836 –
Analyse de l’oeuvre La Vieille Fille est une nouvelle que Balzac a écrite en 1836 alors qu’il venait de vivre une des phases les plus dramatiques de son existence mouvementée. En effet, en juillet et août 1836, une série d’événements malheureux s’abattent sur lui, avec notamment la mort de Mme de Berny, la faillite de son journal La chronique de Paris. La liquidation de ce quotidien est pour lui un désastre de la même ampleur que la banqueroute de son imprimerie en 1828. A cette époque, son éditeur le poursuit devant les tribunaux et le fait condamner à une lourde astreinte, c’est, dit-il, « une seconde Bérézina ». Un nouvel éditeur rachète ses contrats, son tailleur lui prête de l’argent, un ouvrier imprimeur lui offre ses économies. Afin de ne pas sombrer dans la tourmente et oublier ses soucis, Balzac part en voyage en Italie avec une nouvelle amie Caroline Marbouty, déguisée en page, que les italiens prennent pour George Sand. A son retour, Balzac se retrouve à ses dettes et afin de pouvoir régler les plus grosses échéances, il se met à l’œuvre et écrit avec frénésie en une nuit un des contes de Sur Catherine de Médicis, en une nuit la deuxième partie d’une grande nouvelle, L’enfant maudit, et en trois nuits La vieille fille. C’est du moins ce qu’il écrit à Mme Hanska, le 1er octobre 1836 en ajoutant : « C’est mon Brienne, mon Champaubert, mon Montmirail, c’est ma campagne de France ». Et le 23 octobre, en effet, La Vieille Fille commençait à paraître en feuilleton dans La Presse, le quotidien d’Emile de Girardin. « C’est un des plus grands, des plus beaux romans de Balzac », écrivait un critique en 1838. Ce n’est ni un des plus grands romans de Balzac dans aucun sens du terme, ni un des plus beaux écrivait le critique Paul Souday, alors critique littéraire du Temps, et même matériellement c’est un peu court. Balzac était venu à Alençon en 1825 pour y rencontrer un graveur qui devait travailler pour ses éditions de Molière et de La Fontaine. Il avait eu l’occasion de traverser Alençon une seconde fois en 1828 en se rendant à Fougères, en Bretagne. Il avait gardé le souvenir des lieux. Ils étaient à peu près identifiables en 1886 quand M.G. de Contades écrivit son article : Balzac Alençonnais dans une revue de l’Orne. Mais c’était tout ce que Balzac avait vu d’Alençon. En réalité, les habitués du boston de Mlle Cormon sont tirés d’un vivier encore plus lointain et encore plus éloigné du siècle et des grandes routes. Balzac les avait rencontrés pendant le séjour qu’il avait fait à Fougères chez un ami de son père, le général de Pommereul. Un autre érudit local, Monsieur de Pontavice du Heussay, contemporain de Monsieur de Contade avait pu retrouver à Fougères en 1885 , le souvenir à peine effacé des joueurs de boston que Balzac a réunis dans le salon hospitalier de Mlle Cormon et qu’il avait rencontrés en réalité chez une amie des Pommereul, Mlle de la Gesmeraie.
L’histoire En fait, La Vieille Fille, écrite si vite est bien au fond une sorte « de fabliau ». Il ne s’y passe rien à l’exception d’un quiproquo qui tourne à la comédie. Mlle Cormon, est une bonne grosse fille normande à qui le célibat pèse et donne des bouffées de vapeur. Dans sa belle maison bourgeoise, les gens de bonne famille viennent jouer au boston. Les soirées y sont agréables. Mlle Cormon rêve de se marier – elle a une haute estime de sa personne et pense que personne à Alençon n’est digne d’elle. Autour de Rose, s’agitent deux prétendants : le chevalier de Valois, un vieux beau qui se prétend apparenté aux rois de France et qui a gardé l’habit et les manières de l’Ancien Régime. L’autre prétendant est Monsieur du Bousquier, ancien agioteur, dont la fortune est une des plus importantes de la région. Tous deux convoitent la main de Rose Cormon, le premier pour sa fortune, le second pour la respectabilité qu’elle pourra lui apporter. Les deux prétendants se livrent une guerre sans merci. A ces deux personnages, s’ajoute un troisième, le jeune Anasthase Granson, beaucoup plus jeune que Rose, réellement amoureux d’elle. En manque d’amour, fière et orgueilleuse, elle jette, cependant, son dévolu sur un officier quadragénaire, le vicomte de Troisville, qui demande à s’arrêter chez elle. Elle le croit épris d’elle, et pensant qu’il est venu lui demander sa main, apprend abruptement que celui-ci est marié et que c’est en informateur qu’il s’adresse à elle sur les logements d’Alençon susceptibles d’abriter sa famille restée à Paris. Ayant anticipé et s’étant enorgueilli devant le tout Alençon des intentions de mariage de ce monsieur à son égard, elle s’évanouit de déception et de honte et, craignant le lendemain d’être la risée des villageois, elle annonce son mariage avec, du Bousquier, le premier venu de ses prétendants. Ce n’est pas un heureux dénouement car Mlle Cormon n’a pas fait le bon choix, elle n’est pas heureuse et confesse de tristes confidences. C’est toute l’intrigue et ce n’est presque rien. Paul Souday n’a pas tort mais les admirateurs de La Vieille Fille n’ont pas tort non plus. Pour commencer, ce fut l’aspect « fabliau » qui causa quelques remous. C’était la première fois que l’on publiait un roman en feuilleton dans un quotidien. Or, Balzac par dessein ou par inadvertance, avait rendu les soupirs de sa bonne demoiselle un peu trop perceptibles, quelques détails étaient indiscrets, et la déception conjugale, pour finir, un peu trop clairement décrite. Qu’en était-il de la confidentialité et de la protection de la vie privée ? Des lecteurs protestèrent – que valaient leurs objections ? Des balzaciens récents M. Pierre-Georges Castex et, après lui, Mme Nicole Mozet ont montré que Balzac n’avait guère le droit de se plaindre de cette interprétation de sa nouvelle. Girardin, prudent différa pendant quelque temps ses projets de collaboration avec Balzac. Ce que Paul Souday n’a pas senti – c’est le charme nostalgique dont Balzac a fait une petite musique qu’on entend en sourdine. Bien que comique, cette nouvelle est touchante. Les habitants représentent une petite société qui géographiquement vivent à l’écart de la grand route, qui va disparaître quand on aura construit la route de Paris. Cette vie à l’écart évoque une sorte de bonheur archaïque dont la vie est simple et routinière. Un lieu retranché de vie naturelle préservé des vicissitudes de l’histoire. Paris – Octobre 1836
Les personnages Mlle Cormon : Rose-Marie-Victoire, née en 1776, fille de notable est persuadée d’être aimée par un officier. Elle annonce son prochain mariage à la noblesse d’Alençon bien que l’objet de ses pensées ne se soit aucunement déclaré. Elle apprend alors que ce dernier est marié, qu’il a une famille et n’a, en fait que des intentions amicales à son égard. Afin de ne pas perdre la face vis-à-vis du monde, elle accepte à la hâte la proposition de mariage de du Bousquier, personnage grossier et opportuniste, qui ne voit en ce mariage qu’un marchepied utile à sa carrière.
Le Chevalier de Valois : Pauvre gentilhomme vivant de 600 livres de rentes. Accepté par la haute aristocratie de province, homme d’excellentes manières et de haute compagnie. Un des prétendants de Mlle Cormon.
Du Bousquier : Issu d’une vieille famille d’Alençon, Du Bousquier tient le milieu entre le bourgeois et le hobereau. De 1793 à 1799 Du Bousquier fut entrepreneur des vivres des armées françaises. Il mena la vie scandaleuse de la guerre et du chaos, à rations volées, à sacs de blés récoltés sans peine; à petites maisons pleines de maîtresses, belles fêtes aux directeurs de la république. Le citoyen Du Bousquier fut un familier de Barras. Il fut au mieux avec Fouché, très bien avec Bernadotte et visa le poste de ministre avec le parti qui jouait secrètement contre Bonaparte en complotant jusqu’à Marengo. Avec la victoire de Marengo et la défaite des Autrichiens. L’alternative de millions à gagner sur la défaite de Marengo et donc de la chute de son parti (traitre à son Empereur pour lequel il travaillait) le trouva quasi ruiné de tous ses excès passés. Seule la liquidation de ses créances sur l’Etat lui permettait de garder quelques espérances. Malgré ses cadeaux corrupteurs, il rencontra la haine de Napoléon contre les fournisseurs (dont Du Bousquier) qui avaient joué sur sa défaite. Du Bousquier se retrouva sans le sou. L’immoralité de sa vie privée, les liaisons de ce fournisseur avec Barras et Bernadotte déplurent au premier Consul encore plus que ses manœuvres à la bourse : il le raya de la liste des receveurs généraux. De son opulence, Du Bousquier conserva douze cent francs de rente viagère inscrite au Grand Livre. Cet homme ruiné par le premier Consul, et portant l’étiquette de la réputation colossale de ses relations avec les chefs des gouvernements passés , son train de vie, son règne passager intéressa la ville d’Alençon où dominait secrètement le royalisme. Du Bousquier furieux contre Bonaparte (qu’il avait trahi et volé). Poursuivi par son passé scandaleux et de trahison, Du Bousquier ne fut point reçu dans les familles nobles d’Alençon et fut refusé par Mlle Armande, sœur d’un des nobles les plus considérés de la ville – et où allait le chevalier de Valois. Le vicomte de Troisville : Chef d’escadre sous Louis XV, marié et père de famille, les sentiments qu’il ressent à l’endroit de Mlle Cormon sont purement amicaux.
Sources :
1) Préface (Tome X) recueillie d’après le texte intégral des œuvres de la Comédie Humaine publié par France Loisirs 1986 sous la caution de la Société des Amis d’Honoré de Balzac.
2) Informations complémentaires: Encyclopédie universelle Wikipédia.
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