Balzac La Comédie Humaine Analyse de texte Etude de l'œuvre 100 analyses de texte de la Comédie Humaine de Balzac Description détaillée des personnages Classement par 7 types de scènes 26 tomes étudiés en détail

Le Cousin Pons

LA COMEDIE HUMAINE – Honoré de Balzac XVIIe volume des œuvres complètes de H. DE BALZAC par Veuve André HOUSSIAUX, éditeur, Hébert et Cie, Successeurs, 7, rue Perronet, 7 – Paris (1877)

 

Scènes de la vie parisienne

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  Le Cousin Pons et Schmucke

  LE COUSIN PONS  

Date de l’œuvre : Paris, juillet 1846 – mai 1847

Analyse de l’oeuvre Ce volume comprend un des romans les plus importants de Balzac, Le Cousin Pons qui appartient à la série des Scènes de la vie parisienne, suivi d’un certain nombre de nouvelles que Balzac a classées dans la même division. Le Cousin Pons est la deuxième partie de l’Histoire des parents pauvres qui parut en feuilleton dans le quotidien Le Constitutionnel du mois d’octobre 1846 au mois de mars 1847. Cette œuvre très importante est composée de deux romans symétriques également célèbres, La Cousine Bette et Le Cousin Pons. Balzac résumait en ces termes les deux volets de ce diptyque : « Le Vieux musicien (c’est le titre que Balzac voulut quelque temps donner au Cousin Pons) est le parent pauvre, accablé d’injures, plein de cœur; La Cousine Bette est la parente pauvre accablée d’injures, vivant dans l’intérieur de trois ou quatre familles et prenant vengeance de toutes ses douleurs. » Ce contraste devait donner l’occasion de peindre deux célibataires, deux isolés, réagissant de façon contraire à l’égard du milieu familial auquel ils sont agrégés. En fait, dans les deux cas, l’étude du milieu prit autant d’importance que la figure centrale. Et cette étude du milieu entraîna un contraste encore plus significatif que celui que Balzac se proposait, car il montra finalement la même avidité, la même cruauté dans deux zones sociales très différentes, la haute bourgeoisie riche, puissante, en apparence invulnérable, et la petite bourgeoisie et les gens du peuple, si rarement représentés dans La Comédie Humaine, aussi âpres, aussi durs que les riches qu’ils accusent. Les deux parties de l’Histoire des Parents pauvres furent publiées l’une après l’autre dans l’ordre suivant, La Cousine Bette d’abord, Le Cousin Pons immédiatement ensuite. Cet ordre a été conservé dans toutes les présentations de l’Histoire des parents pauvres. Mais ce n’était pas dans cet ordre que les deux sujets avaient été conçus. Balzac commença, au contraire, par écrire Le Cousin Pons qu’il désignait alors sous le titre Les Deux Musiciens. Il en écrivit une première version ; puis il s’interrompit, renonça et se mit à écrire La Cousine Bette qui eut aussitôt un immense succès. Il se remit alors au Cousin Pons, le transforma, en fit un roman beaucoup plus étendu que son projet initial, dont le succès fut aussi grand que celui de La Cousine Bette. Nous ne savons rien de la première version du Cousin Pons sinon que Balzac la concevait comme une nouvelle. Cette transformation d’une nouvelle en roman n’est pas unique dans l’œuvre de Balzac : elle avait déjà à l’origine de deux de ses romans les plus célèbres, Eugénie Grandet et Le Père Goriot. Mais cette transformation n’a laissé aucune trace dans ces deux exemples tandis qu’elle est encore sensible dans la rédaction définitive du Cousin Pons. On sent bien, en effet, une différence entre le début du roman qui montre Pons dans son milieu familial, bourgeois, dédaigneux, intimidant, et la suite qui se déroule dans un nouveau décor social très différent du premier, les voisins, la portière, le médecin du quartier, l’avocat famélique qui devient son complice. On sent que c’est un nouveau roman qui commence et se substitue au premier. C’est à partir de ce moment que le roman prend sa signification. Pons cesse d’être un parent pauvre que l’amitié console de la mesquinerie et du dédain qu’il trouve chez ses parents riches. Pons et son ami Schmucke sont heureux dans leur désert. Mais ils sont seuls, désarmés, livrés sans défense à la férocité sociale, écrasés, dit le sinistre avocat Fraisier, « comme un œuf qui se trouverait sous un tombereau ». On apprend par hasard que la collection réunie par Pons a une immense valeur. Le drame se noue à ce moment. C’est, dit Balzac, « la comédie terrible de la mort d’un célibataire livré par la force des choses à la rapacité des natures cupides qui se groupent à son lit », – et le drame a lieu, en effet, rapide, féroce, pathétique.

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    Sylvain Pons

La définition que Balzac donne lui-même de l’action rattache Le Cousin Pons à des centres de préoccupation très anciens et constants chez Balzac et qui n’ont aucun lien pourtant avec l’Histoire des parents pauvres. La vie de célibataire qu’il décrit est à rapprocher des œuvres groupées dans La Comédie Humaine sous le titre général Les Célibataires et qui comprend un certain nombre des romans ou nouvelles les plus connus de Balzac, Pierrette, Le Curé de Tours, La Vieille fille, La Rabouilleuse d’abord intitulée Un ménage de garçon en province. Les célibataires constituaient pour Balzac, il l’explique dans une de ses préfaces, une espèce à part dans l’humanité, caractérisée par un étiolement de la force vitale sous l’effet d’une vie mécanique et repliée, phénomène physiologique qui l’intéressait beaucoup. D’autre part, le sujet de la succession était, lui aussi, un projet qui le tentait depuis longtemps. Il en avait noté le titre dans une liste dressée en 1831 ou 1832 de situations dont il se proposait d’exploiter les possibilités dramatiques. Ce projet avait également laissé des traces dans La Comédie Humaine puisqu’on le trouve traité dans Ursule Mirouët et qu’il inspira à Balzac une œuvre dont il parla plusieurs fois et qui ne fut jamais réalisée, qui devait être intitulée Les Héritiers Boirouge. Enfin, l’intrigue qui sert de support au drame est un exemple de ces « crimes cachés », habilement commis en utilisant des procédés que la justice ne peut atteindre parce qu’ils côtoient la légalité sans jamais tomber sous une qualification qui pourrait provoquer une inculpation. C’était encore une idée très ancienne de Balzac qui avait déjà donné une liste de ces entreprises qui échappent aux sanctions pénales dans un de ses romans de jeunesse, Annette et le criminel. On retrouve partout ce thème dans l’œuvre de Balzac. Sa conviction de « l’impureté » de la fortune des parvenus est une des idées maîtresses de sa dramatique sociale. Par ces apparentements, Le Cousin Pons se trouve donc sur la ligne des pensées habituelles de Balzac. Il est, à ce titre, une œuvre particulièrement représentative du roman balzacien. Mais il l’est aussi d’une autre manière par les points d’appui que trouve Balzac pour le montage de son intrigue dans le riche fond de personnages et de moyens que lui fournit La Comédie Humaine. D’une certaine manière, Le Cousin Pons est, comme La Cousine Bette, une œuvre excentrique à La Comédie Humaine. Dans toute la seconde partie du roman, le lecteur se trouve transporté dans un milieu que Balzac n’avait pas encore exploré, il rencontre des personnages qui n’avaient jamais apparu dans les œuvres précédentes. Mais tandis que, dans La Cousine Bette, cette « excentricité » de l’œuvre se maintenait d’un bout à l’autre, dans Le Cousin Pons, au contraire, Balzac fait reposer toute son exposition sur des familles bourgeoises que son lecteur connaît bien puisqu’il s’agit de personnages dont on lui a déjà parlé dans César Birotteau, dans Le Cabinet des Antiques, dans la dernière partie de Splendeurs et misères des courtisanes. Mais alors, il se produit un très curieux phénomène de « bourgeonnement » de ce milieu dont Balzac nous a raconté ailleurs les débuts et que nous retrouvons ici, métamorphosé : comme si, pendant que Balzac n’écrit pas, La Comédie Humaine continuait sa vie et sa croissance, produisant, au moment où les personnages déjà connus reparaissaient, non pas le jeune taillis que Balzac nous avait fait visiter, mais la forêt touffue qu’il est devenu au cours des années. Cette efflorescence secrète des personnages de La Comédie Humaine est particulièrement sensible quand le lecteur fait connaissance avec ces parents de Pons, soudain devenus non plus des personnages, mais des personnalités et redoutables à cause de cela. Ainsi, le petit juge d’instruction Camusot que le lecteur a connu, affolé et dépassé par les événements à Alençon quand éclate l’affaire de faux de Victurnien d’Esgrignon, plus tard juge d’instruction à Paris, servile au moment du procès raconté par L’Interdiction, gaffeur et épouvanté au milieu de la tragédie qui termine Splendeurs et misères des courtisanes, est devenu un magistrat considérable malgré sa nullité, président de la chambre des mises en accusation, aspirant à un fauteuil à la Cour de cassation, rêvant d’une destinée plus prestigieuse encore. Ce n’est pas tout. Les autres ont avancé autant que lui. Le petit Popinot, employé chez César Birotteau, puis son gendre, enrichi dans la droguerie, on le retrouve ministre du Commerce. Cardot, commis du « Cocon d’Or » a fait fortune dans les soieries : il est maintenant pair de France. Gaudissart n’est plus le commis-voyageur qui plaçait à Vouvray des assurances sur la vie, il dirige un grand théâtre du boulevard, appartient au Tout-Paris et s’apprête à devenir un important banquier. La Comédie Humaine fournit ainsi les pilotis, comme disait Stendhal, qui vont soutenir toute l’action, les personnages déjà présentés participeront tous plus ou moins à cause de la puissance qu’ils ont acquise à l’écrasement de Pons et de Schmucke. Ce foisonnement, cette fécondité monstrueuse de la société en Balzac qui pousse comme les végétaux d’une forêt tropicale s’accompagnent d’un autre développement non moins vertigineux, celui des fortunes. Il est difficile à celui qui lit Balzac aujourd’hui de percevoir dans toute son ampleur cette accélération que Balzac fait subir aux fortunes. Les chiffres qu’il cite ne parlent pas à notre imagination. Il faut tous les rectifier, les remettre à jour. Or, pour avoir une idée juste des sommes que Balzac mentionne dans son roman, il faut multiplier tous les chiffres par vingt au minimum, pour les transformer en francs français (1985). Quand, par exemple, Gaudissart fait remettre à Pons un billet de mille francs qu’il demande à son caissier et que la mère Cibot garde pour elle, c’est une « gratification » qui représente vingt mille francs en 1985. Tout chiffre cité par Balzac dans son roman doit subir cette transformation pour représenter ce que Balzac voulait exprimer. Picture 3 Aujourd’hui en 2020, mille francs en 1850 valent environ 3’270 Euros. Ce que Balzac ajoute ici, c’est ce grouillement de cloportes que la cupidité provoque dans une zone sociale qu’il avait jusqu’alors rarement mise en scène. Ce romancier de la bourgeoisie, on le lui a souvent reproché, semblait avoir ignoré tout ce qui n’appartenait pas à cette nébuleuse centrale. Ce n’était pas tout à fait exact : il y avait des « bonnes femmes » dans l’œuvre de Balzac, la mère Corchard, maquerelle de sa fille dans Une double famille, la vieille Ida Gruget dans Ferragus et même des ouvriers comme le Tascheron du Curé de village. Mais ils n’apparaissent que rarement et jamais en pleine lumière. C’est en réfléchissant sur La Comédie Humaine et en dressant le catalogue des sujets qu’il n’avait pas traités que Balzac s’aperçoit de l’étendue de ce qui reste à faire : les paysans, les soldats, les ports, les habitants de ces environs de Paris qu’on ne nomme pas encore la banlieue, les vies ténébreuses que Paris dissimule. Et il projette alors des explorations dans des milieux tout nouveaux pour lui, recherches qui sont à l’origine des projets qu’on voit apparaître ou se préciser à cette époque, Les Paysans, les Traînards, Les Petits bourgeois. La ménagerie du Cousin Pons appartient à la même campagne de découvertes. Le ferrailleur Rémonencq, le docteur Poulain, médecin de quartier qui végète sans clientèle, Fraisier l’avocat sans causes qui a dû quitter Mantes après quelques affaires douteuses, et surtout la terrible portière, la mère Cibot, sont de nouveaux venus dans le roman balzacien. Il n’est pas étonnant que ce soient quelques-uns des personnages les plus vigoureux de Balzac qui souvent restent dans le souvenir du lecteur par leur originalité et leur force plus que par le rôle qu’ils jouent dans le roman. On sent que Balzac éprouve la joie d’un chasseur sur ce terrain giboyeux. Il éprouve à la fois devant eux la satisfaction du zoologue qui a de beaux spécimens à exposer et la satisfaction du romancier qui trouve de bons instruments pour l’agencement de son intrigue. Il se donna aussi une autre joie. On voit dans Le Cousin Pons un autre Balzac inconnu. La perspective, maintenant assurée, de son mariage avec Mme Hanska, avait fait naître chez lui une frénésie, le goût de rassembler pour la demeure qui devait abriter leur vie d’amour et de bonheur les meubles les plus beaux, les bibelots les plus précieux, les tableaux. Il avait voyagé à travers l’Europe avec Mme Hanska et ses enfants, sa fille Anna et le fiancé de celle-ci, le comte Georges Mniszech. Dans ces voyages, Balzac succombait à toutes les tentations. Il avait été pris de la passion du « bric-à-brac », il achetait des meubles, des porcelaines, des émaux, des tableaux de maîtres. Les lettres qu’il écrit à cette époque à Mme Hanska sont consacrées en grande partie à ses achats, à ses projets d’achat, à ses démarches. Les merveilles rassemblées par Pons sont le musée idéal que Balzac aurait voulu constituer. Les acquisitions de Balzac sont moins miraculeuses. Mais il était pourtant l’heureux possesseur de ce Chevalier de Malte dont le cousin Pons était si fier et d’un Paysage hollandais, non pas de Breughel, hélas, mais d’un imitateur de Breughel qui rappelle celui qui est vendu clandestinement dans le roman. Peut-on trouver dans Le Cousin Pons d’autres projections de la vie de Balzac ? Les conjectures qu’on a faites à ce propos ne sont pas sûres. Il est peu probable que la rancœur envers sa mère lui ait fourni des traits pour l’horrible portière de Pons, qui le torture et le vole. Sa servante-maîtresse, Mme de Brugnol ne paraît pas être davantage à l’origine de ce portrait. Comme pour l’avocat Fraisier, comme pour le docteur Poulain, il faut se résoudre à avouer que nous ne connaissons pas les modèles dont Balzac a pu s’inspirer. Nous sommes mieux renseignés pour Schmucke, le musicien ami de Pons, pour lequel Balzac a pu penser au timide Ambroise Thomas qui, pendant ses débuts difficiles, avait donné des leçons de piano à la nièce de Balzac, la petite Sophie Surville et qui était comme Pons, paraît-il, « fort gourmand ». On a pensé aussi au musicien Jacques Strunz auquel Balzac dédia Massimilla Doni, ou à Henri Karr, père d’Alphonse Karr, musicien allemand qui parlait à peine le français. Ces références, ou les particularités de structure et d’inspiration que nous avons rappelées, ne sont pourtant pas l’essentiel. La beauté du roman, la qualité d’émotion qu’il provoque viennent d’un ressort rarement employé par lui, le pathétique, et particulièrement le pathétique de la pitié. Balzac, dans ses autres romans, a quelque chose de dur : il décrit, et quand il juge, c’est la société qu’il juge, il ne s’attendrit pas, il s’indigne. Il réserve sa pitié pour les femmes, pour certaines femmes, qui sont pour lui de nobles et généreuses victimes, le pathétique leur est réservé. Les hommes, eux, n’ont qu’à comprendre et se battre en s’affranchissant de leurs illusions. Pour la première fois, c’est une lumière plus douce, plus tendre, peut-être plus confidentielle qui donne à son tableau un éclairage qu’on ne retrouve dans aucun autre de ses romans. Car c’est leur faiblesse, leur inaptitude irrémédiable devant la vie que Balzac veut faire sentir au lecteur. Pons n’est que pendant un moment ce passant bizarre et archaïque qui a gardé sous Louis-Philippe l’habit aux courtes basques et la grosse cravate des muscadins du Consulat. Tout de suite, on oublie ce flâneur que l’adversité a déconcerté. On ne voit plus que ce couple de vieillards qui n’ont qu’un seul refuge, leur amitié : en même temps gardiens d’un trésor. Et l’affection de Schmucke, l’inexpérience de Schmucke provoquent à la fois chez le lecteur un attendrissement qui s’adresse à tous les faibles et un émerveillement pour le sentiment si enfantin, si pur, si total qui réalise si bien entre ces deux vieillards tout ce que nous mettons dans le mot « amour ». Balzac avait voulu intituler son roman Les deux amis, comme la célèbre fable de La Fontaine. Il y renonça, regardant cette usurpation comme une sorte de sacrilège. Mais cette intention nous éclaire. On comprend tout ce que Balzac a mis de lui-même dans le personnage de Pons : il voyait dans cette affection animale, dans ce dévouement total, ce qui lui avait manqué pendant toute sa vie, si brillante et si vide. Ce poème de l’amitié se termine par une fin très belle, très bouleversante où l’on voit tout l’appareil social dont les hommes entourent la mort écraser le pauvre Schmucke comme un échafaudage qui s’écroule, tandis que dans son désespoir, il s’entoure la tête du voile noir des condamnés. C’est une fin poignante et amère qui montre bien comment, suivant le mot atroce de Fraisier, la lourde charrette sociale écrase tout. Faut-il voir dans Le Cousin Pons une oeuvre qui traduit le pessimisme et le découragement de Balzac à la fin de sa vie ? Mme Hanska avait accepté l’idée de son mariage, il l’avait rejointe à Francfort, elle était près de lui à Paris au moment où il terminait son roman : l’engagement était si bien décidé que Mme Hanska avait remis à Balzac une très grosse somme pour l’achat de leur maison et l’apurement de ses dettes. Pourquoi Balzac serait-il alors particulièrement pessimiste et découragé ? Et qu’y a-t-il d’amer et de pessimiste dans Le Cousin Pons qui ne soit dans Le Père Goriot ?

L’Histoire La scène se déroule au milieu du XIXe siècle et raconte les misères d’un homme d’une soixantaine d’année, le Cousin Pons, parent pauvre par alliance de la famille Camusot. Il est le cousin germain de la première épouse du riche marchand de soieries. La deuxième madame Camusot est une demoiselle Cardot. Pons s’introduit à titre de parent des Camusot dans la nombreuse famille des Cardot, société bourgeoise non moins brillante que celle des Camusot. Vieillard inoffensif plein de sensibilité et de délicatesse, cette figure est dotée d’une belle âme. Son seul défaut est de trop aimer la bonne chère. Son maigre salaire de musicien dans un théâtre de boulevard, et sa passion pour les œuvres d’art ne lui permettent pas le luxe de repas somptueux. Il y remédiera en se faisant inviter et en s’incrustant dans une dizaine de maisons bourgeoises. Parmi celles-ci on compte les résidences : du comte Popinot, pair de France, ancien ministre de l’Agriculture et du Commerce, chez monsieur Cardot, ancien notaire, maire et député d’un arrondissement de Paris, du vieux monsieur Camusot, député, membre du Conseil municipal de Paris et du Conseil général des Manufactures, en route vers la pairie, de monsieur Camusot de Marville, fils du premier lit et le vrai, le seul petit cousin de Pons. Ce Camusot, qui, et de son frère du second lit, avait ajouté à son nom la terre de Marville, était en 1844, président de Chambre à la Cour royale de Paris, Pons avait également droit de fourchette en sa qualité de cousin des cousins chez les autres familles par alliance. Picture 4 De ces maisons bourgeoises, celle ou l’artiste est le mieux accueilli est celle du président Camusot de Marville. Hélas, la présidente, fille de feu Thirion, huissier du cabinet des rois Louis XVIII et Charles X déteste le petit cousin de son mari. Pons qui aime cette famille multiple ses efforts pour se rendre agréable à la présidente et à sa fille Cécile. Il leur sert d’esclave et « d’homme à tout faire » afin de combler leurs moindres caprices. Malgré ses attentions le vieillard est à peine toléré par sa terrible parente qui ne manque pas de lui montrer dédain et mépris. La première grande blessure infligée à la dignité et à l’intégrité de ce noble vieillard survient le jour où, Pons en fin brocanteur, offre un magnifique éventail, une création de Watteau, ayant appartenu à madame de Pompadour à la Présidente. Amélie, ignorante de la grande valeur du bijou, l’accepte non seulement comme un dû mais use d’un faux prétexte pour se débarrasser de ce cousin ennuyeux – manœuvre effectuée avec tant d’indélicatesse par les maîtres et les gens de maison que celle-ci est interceptée par Pons. Meurtri dans son être profond, Pons s’en retourne dans son appartement de la rue de Normandie qu’il partage avec son collègue de travail et grand ami, le musicien allemand Schmucke. Pons décline jour après jour – il vit reclus et partage ses repas avec Schmucke. Ce ménage de vieux garçons est tenu par la concierge, l’affreuse Cibot, qui jouera un rôle déterminant dans le drame de cette histoire. Suite à l’absence de Pons, une explication en famille a lieu chez le président. Pour ne pas reconnaître la vérité, la mère et la fille rejette la faute sur les domestiques, qui sur l’injonction du président et la menace d’être licenciés formulent des excuses à Pons. Ne croyant qu’au bien moral comme il croyait au beau dans les arts, la maladie morale de Pons fut guérie instantanément. Cécile âgée déjà de vingt quatre ans est une enfant capricieuse et gâtée. Malgré la haute distinction qu’occupe sa famille, Cécile ne dispose que d’une dot modeste de cent mille francs et se voit refusée par tous les partis qui lui sont présentés au grand désespoir de sa mère. Elle est donc destinée à restée fille tant que ses parents ne lui offriront pas en complément de sa dot, la terre de Marville. Pons, heureux de sa réconciliation avec ses plus proches parents compte prouver sa reconnaissance aux Camusot et leur propose Frédéric Brunner, le fils du vieux banquier Fritz Brunner pour leur fille. Les présentations se passent à merveille et le mariage bientôt projeté – lors de la présentation officielle du fiancé à l’ensemble des familles de Cécile. Durant la soirée, Frédéric, entend qu’une rente viagère de douze cents francs sera versée par le Président à Pons. Pensant qu’il s’agit d’une prime que le vieillard a obtenue de cette famille en échange du mariage arrangé, il rejette la demande en mariage et quitte le salon. C’est ici que toute l’action se joue et que le drame prend toute son ampleur. Déshonorées par l’annulation d’un mariage annoncé à toute la bourgeoisie parisienne, Amélie et Cécile tentent de racheter leur considération en accusant Pons de leur avoir tendu un piège par vengeance.

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  Rémonencq et Cibot

Pons est sali et banni de toutes les familles chez lesquelles il était reçu. La honte et le déshonneur s’abattent sur lui. Lorsqu’il se promène sur les boulevards, il fait l’objet, de la part des notables et respectabilités de Paris, de regards méprisants emplis de reproches et de désapprobation. Ce coup est mortel pour le vieillard qui se terre dans sa chambre et s’enferme dans une souffrance et un mutisme morbides. Une longue descente aux enfers commence pour Pons. Déclinant jour après jour, son ami Schmucke et son voisinage proche s’inquiètent pour le pauvre homme. Si, les marques de compassion du voisinage sont sincères au début, elles deviennent vite intéressées lorsque la concierge Cibot, le ferrailleur Rémonencq, l’antiquaire Elie Magus et le docteur Poulain, apprennent la valeur du musée Pons. Portant tous le masque de la bienveillance, ces protagonistes useront de toutes les tactiques pour isoler la victime et lui ôter toutes relations sociales avec l’extérieur. La naïveté de Schmucke ne lui permettra pas de se rendre compte du complot fomenté envers son ami. La Cibot, mandate, Fraisier, (petit homme de loi véreux) comme conseil pour se faire coucher sur le testament de Pons. Fraisier jouera un rôle déterminant dans le dépouillement de Pons. Afin de tirer un maximum de profit de cette affaire, il alerte la famille légitime de la mort prochaine de l’artiste et promet, en échange d’une charge attractive, la rétrocession d’une partie de l’héritage de Pons aux Camusot. Schmucke tombera dans tous les pièges tendus, et en dépit des précautions que Pons prendra pour léguer son héritage à son ami Schmucke, ce dernier sera quasi déshérité au profit des loups cerviers de l’histoire. Seuls Schmucke et le gagiste Topinard suivront le convoi funéraire de Pons.

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    Pons et Schmucke

Les personnages Le cousin Pons : Cousin germain de la première épouse de monsieur Camusot, le riche marchand de soierie, Pons, devient le cousin pauvre pris en amitié par la tribu des Camusot et notamment par le président Camusot. Cette affection n’est pas partagée par son épouse, la présidente Camusot, née Thirion et qui exècre le petit cousin de son mari. Pons, bonne âme timide et naïf devient rapidement son souffre-douleur. Les railleries de madame de Manerville envers Pons sont connues de toute la maison et de son personnel et le mépris qui lui est témoigné est général. L’agonie du vieillard commence après l’échec des projets de mariage de Cécile, la fille des Camusot, avec un riche banquier. La présidente impute cet échec à Pons et le bannit de sa société et du monde. Déshonoré et humilié, il est la honte de toute une société – l’organisme du vieillard ne résiste pas à cette attaque et il tombe malade. Son état de mortification ne lui permet pas de quitter le lit. Dès ce moment, il est livré par la force des choses à la rapacité des natures cupides qui se groupent autour de son lit, et qui, dans l’histoire, ont pour instruments les passions les plus virulentes : celle d’un collectionneur de tableaux d’art, l’avidité de l’avocat Fraisier, la vénalité de l’auvergnat Rémonencq capable de tout pour s’enrichir, les rêves d’ambition et de notoriété nourris par le docteur Poulain, le souhait de la concierge d’hériter de son locataire, le désir pour la présidente d’hériter de ce cousin pour bien marier Cécile. Le seul ami de Pons est le pianiste Schmucke qui n’est autre qu’un deuxième Pons. Il ne sera pas à armes égales pour lutter contre la bande des loups cerviers. Schmucke : Professeur de piano et ami de Pons. Leur connaissance date de 1834 lors d’une distribution de prix. Réciproquement confidents et très complémentaires sont des frères l’un pour l’autre – une particularité toutefois : Schmucke est aussi distrait que Pons est attentif. Pianiste allemand, Schmucke, à l’instar de son ami Pons, est tout cœur et naïveté. Cette naïveté ajoutée à sa bonne âme, l’empêcheront de voir les ennemis qui gravitent autour de Pons et dont il sera lui-même la dupe. Amélie Camusot : Madame de Marville est l’épouse du président Camusot, le petit cousin de Pons. Fille des sieur et dame Thirion, elle a hérité à leur mort de cent cinquante mille francs. Petite femme sèche au front busqué et à la bouche rentrée, elle rêve d’une destinée glorieuse qui tarde à arriver pour son mari. Elle a du ressentiment envers son beau-père, l’ancien marchand droguiste et ancien président du tribunal de commerce, qui est devenu député, ministre, comte et pair – elle ne lui pardonne pas de s’être fait nommer, à la place de son fils, le député de son arrondissement. Sa fortune modeste par rapport à celles des familles bourgeoises qui évoluent dans sa sphère sociale, constitue une blessure supplémentaire à son amour propre – notamment, du fait, que la dot de Cécile, qui s’élève à cent mille francs est insuffisante pour la bien marier. Cécile est toujours fille à 23 ans, et la présidente désespère de lui faire un beau mariage d’argent. Femme de tête, aigrie, dont la domination est absolue au logis, elle arbore naturellement un air dédaigneux – elle se veut âpre et sèche pour obtenir, par la crainte, l’abnégation et la soumission de tous ceux qui ne se plient pas à ses désirs. Mordante à l’excès, elle exècre Pons le cousin pauvre. Elle décharge ses frustrations sur le vieillard en qui elle trouve un bouc émissaire. Cécile : Fille unique du président et de la présidente de Marville, elle est l’icône et l’idole de sa mère qui lui concède tout. Elevée en enfant capricieuse et gâtée, Cécile, ne peut espérer, trouver dans le monde un beau parti eut égard à sa dot modeste. Pons, qui aime sa nièce, présente le banquier Fritz Brunner à la famille comme futur mari de Cécile. Un mariage est arrangé qui sera malheureusement annulé au grand désespoir de Cécile et de sa famille. C’est là que le drame de l’histoire prend sa source. Fritz Brunner : Né à Francfort-sur-Mein, Fritz Brunner est le fils d’une mère juive convertie et de Gédéon Brunner, célèbre aubergiste. Le jeune Fritz perd sa mère à l’âge de douze ans. Il vit sous la tutelle de son père. La fortune léguée par sa mère est placée sous la surveillance de son oncle maternel Virlaz. Le père se remarie et la nouvelle épouse prend le petit Fritz en aversion. Ne pouvant avoir d’enfant, et jalouse de l’héritier de feu la belle madame Brunner, elle devient une marâtre pour le jeune Brunner. Dispendieuse, la seconde madame Brunner meurt après avoir ruiné l’aubergiste. Rejetant la faute de tous ses malheurs sur son fils, Gédéon renie Fritz qui, jeune adulte, part retrouver son ami Wilhem à Strasbourg. Wilhem recueillera Fritz à qui il offrira, outre son amitié, l’asile, l’entretien et la nourriture. De là, recommandés par Graff, ancien premier garçon de Gédéon devenu maître de l’hôtel du Rhin, ils vont à Paris, où Fritz entre comme commis chez les frères Keller, banquiers. Wilhem, quant à lui, trouve une place en qualité de teneur de livres chez le frère de Graff, célèbre tailleur. Il prend un deuxième engagement comme flûtiste dans l’orchestre dirigé par Pons. Ces débuts dans la vie difficiles apprennent aux jeunes gens la valeur de la fortune, le sens de l’économie, le monde et la vie. A la mort de Gédéon Brunner, un des fondateurs des chemins de fer badois, les bénéfices laissent quatre millions à son fils sans compter les biens immobiliers acquis par le père. Fritz achète une maison de banque et fait partie des riches bourgeois. Pons propose Fritz à la Présidente Camusot comme parti pour sa fille. Après les premières entrevues d’usage, très prometteuses, entre les amants, des projets de mariage sont élaborés pour que la cérémonie se fasse dans les meilleurs délais. A quelques jours du mariage, un événement tragique vient annuler le mariage. Humiliée devant le monde, la présidente tient Pons pour responsable de la situation. Elle met le vieil homme au ban de la société et le banni définitivement de sa maison. Ce jugement constituera l’arrêt de mort du vieillard. Le Président Camusot de Marville : Fils du riche marchand droguiste, ancien président du tribunal de commerce, député, ministre, comte et pair de France. Président de Chambre à la Cour royale de Paris, il est le seul vrai petit cousin de Pons. Petit homme gros, il est le fils du premier mariage de Camusot. La deuxième madame Camusot est une demoiselle Cardot qui aura également un fils. Camusot pour se distinguer de son père et de son frère du second lit, ajoute à son nom la terre de Marville dont il est propriétaire. Madame Cibot : Ancienne écaillère du restaurant le Cadran Bleu et alors réputée pour sa beauté, elle épouse par amour Cibot …et de belle écaillère devient concierge de la maison dans laquelle sont logés Pons et son ami Schmucke. Madame Cibot arrondira ses fins de mois, en devenant la « bonne fée du logis » des deux vieillards. En effet, elle s’occupe de leur ménage et de leurs repas et devient indispensable aux deux casse-noisettes. Avertie de la valeur de la collection d’art de Pons, elle complotera avec Rémonencq, le docteur Poulain et l’avocat Fraisier, un plan machiavélique pour se faire coucher sur le testament du vieil homme malade et s’emparer, avec ses acolytes, de ses œuvres d’art. Elle séquestrera le vieillard –sa malveillance et ses mauvais traitements précipiteront le vieil homme malade vers une mort certaine. Elie Magus : Riche marchand et collectionneur d’œuvres d’art. Avare à l’instar de son ami feu Gobseck, il a la passion des œuvres les plus rares et les plus belles. Passionné tout autant que Pons des belles œuvres, il est en concurrence directe avec lui. Il profitera de l’état de faiblesse et d’amenuisement du vieillard pour s’emparer à vil prix, et avec l’aide de la Cibot, des plus belles toiles de Pons. Rémonencq : Ferrailleur-brocanteur, marchand de curiosités, Rémonencq est une personne avare et cupide. Il a recueilli sa sœur qui n’est autre que son esclave. Vivant tous deux de douze sous par jour, ces créatures vénales participeront activement au complot ourdi contre Pons dans l’appropriation de ses collections. Le docteur Poulain : Petit médecin du quartier du Marais, il reste malgré ses compétences et son expérience un médecin sans clients, si ce n’est les misérables sans le sou qui vivent dans son périmètre. Ambitieux, il convoite la place de médecin-chef dans un ministère, un hôpital ou une prison. Avec son ami Fraisier, ils se font l’avocat du diable de la Cibot afin de toucher leur part du gâteau et voir ainsi la réalisation de toutes leurs convoitises. Monsieur Fraisier : Petit avocat véreux sans envergure, il est l’ami de collège du docteur Poulain et son complice. Fraisier est un personnage rusé et intelligent mais dont l’intelligence est employée à la malversation et à la friponnerie. Vénal, il jouera un double jeu entre la Cibot et la présidente de Marville, dont il se fera le conseiller, pour retirer un maximum d’argent de la mort de Pons.   Source analyse/histoire : Préface (tome XVI) recueillie d’après le texte intégral des œuvres de la Comédie Humaine publié par France Loisirs 1986 sous la caution de la Société des Amis d’Honoré de Balzac. Source notes complémentaires : Encyclopédie universelle Wikipédia.

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