Les Marana
LA COMEDIE HUMAINE – Honoré de Balzac XVe volume des œuvres complètes de H. DE BALZAC par Veuve André HOUSSIAUX, éditeur, Hébert et Cie, Successeurs, 7, rue Perronet, 7 – Paris (1874)
Etudes philosophiques
LES MARANA (1832) – (étude de femme)
Œuvre dédiée A MADAME LA COMTESSE MERLIN
Analyse et histoire C’est une longue nouvelle de Balzac qui parut d’abord, en 1832, en deux chapitres dans la Revue de Paris, puis en 1833 toujours dans la même revue. Les Marana paraît ensuite en librairie en 1834 aux éditions Madame Béchet, puis en 1846 dans l’édition Furne de La Comédie Humaine, au tome II des » Etudes philosophiques « avec Adieu, L’Enfant maudit et Le Réquisitionnaire. Le début s’apparente à ces Contes bruns, publiés en collaboration la même année, qui contenaient des souvenirs militaires dispersés plus tard entre plusieurs de ses œuvres. La partie centrale pourrait appartenir aux nombreuses « études de femme » que Balzac écrivit à cette époque. La fin est d’un mélodrame. Le sujet tient en un mot : une fille mal mariée, arrivant à mépriser son mari malgré ses efforts pour l’aider et pour lui être fidèle, le tue finalement pour éviter le déshonneur à ses enfants. Ce drame de la maternité repose malheureusement sur un échafaudage d’événements et de sentiments disparates qui rend l’histoire invraisemblable sans arriver à lui donner une profondeur. D’abord une toile de fond qui pose le thème. La jeune femme est la fille d’une lignée séculaire de grandes courtisanes, les « Marana ». Sa mère l’adore, veut la faire échapper à la vocation familiale, elle la remet comme un dépôt sacré à un ménage espagnol qu’elle a sauvé. L’éclairage, un don miraculeux que Balzac regarde comme un cas physiologique : cette mère qui mène sa vie somptueuse à travers l’Espagne et l’Italie, qui se refuse tout contact avec cette fille adorée, a un instinct infaillible qui l’avertit quand sa fille est en danger et la fait intervenir aussitôt. L’intrigue : la prise de Tarragone par les Français en 1807, les hasards de l’occupation, un billet de logement, une séduction, la mère survient, le séducteur échappe, la mère trouve sur-le-champ un mari. C’est la première partie, le prologue à l’« Etude de femme ». Deuxième partie : la vie avec ce mari que la fille n’aime pas, mais avec lequel elle veut être loyale, une admirable « scène de la vie privée » que Balzac est obligé de résumer en quinze pages alors qu’il lui faudrait un volume pour peindre la déception, le courage, la dégradation, l’éloignement. Dans cette vie sinistre et somptueuse – le père devient homme d’affaires – la femme n’a qu’une consolation, deux enfants dont l’un est celui de l’amant qui l’avait séduite. Le dénouement : le mari est méprisé comme affairiste, comprend que sa femme ne vit que pour ses enfants, se met à jouer, perd sa fortune. A la fin, il joue à quitte ou double avec le séducteur de sa femme qu’il a retrouvé, perd, et le tue pour le voler et s’enfuir avec l’argent du vol. On le poursuit, il se réfugie auprès de sa femme, il avoue ; sa femme, pour sauver le nom et l’avenir de ses enfants, le tue d’un coup de pistolet avant que la police n’arrive. Le médecin légiste comprend tout et conclut au suicide. La partie centrale aurait pu être très belle si Balzac avait eu cent cinquante pages pour la développer. Mais le temps le pressait et les conditions de publication dans la Revue de Paris où le nombre de pages était limité. Ce sont les mêmes contraintes qui, dix ans plus tard, et pour les mêmes raisons, devaient lui faire manquer le beau sujet de Z. Marcas. Il y a des sujets qui sont d’admirables thèmes pour un roman, mais qui sont inévitablement étouffés dans le cadre étriqué d’une nouvelle. Balzac n’en était pas moins fier du résultat. Il faisait dire à Félix Davin : « L’Histoire de Mme Diard (c’est le titre du chapitre central) est un de ces morceaux qui doivent faire rêver aussi bien les hommes que les femmes. » « Elle est, ajoutait son porte-parole, prodigieuse par le talent d’analyse. » Mais en même temps il ne pouvait s’empêcher d’écrire cette phrase qu’on retrouvera dans le roman lui-même : « Cette analyse où chaque épouse devrait retrouver quelques-unes des ses propres souffrances pour les comprendre toutes ne seraient-elle pas un livre entier ? »
Les personnages Marana : Dynastie de courtisanes italiennes. L’une d’elle la Belle Romaine, au XVIe siècle, eut, du duc d’Hérouville, une fille naturelle qui épouse Beauvouloir. Une autre, à la fin du XVIIIe siècle, eut de Mancini, une fille naturelle, mais reconnue qui épouse Diard, d’où L’Histoire de Madame Diard citée plus haut. L’Histoire de Madame Diard Emigrées en Espagne où elles ont trouvé refuge après leur expulsion de Venise, la destinée des Marana, a de tous temps, consisté à vivre de leurs charmes. Afin de mettre un terme à cette destinée, et permettre à sa fille Juana Mancini d’avoir des espérances de mariage, elle confie son éducation à une famille de commerçants drapier, les Pérez de Lagounia. Ses espoirs sont menacés avec l’arrivée du capitaine Montefiore, qui séduit Juana et lui fait un enfant. Montefiore ne reconnaîtra jamais le petit Juan, qui aura comme beau-père, le capitaine Diard. Devenue Madame Diard, Juana enfantera d’un petit Francisque. Monsieur Diard quitte l’armée pour se reconvertir dans les affaires à Paris. Celles-ci sont mauvaises et le pauvre mari décide de tenter sa chance à Bordeaux, et de là, dans les Pyrénées. Joueur, il rencontre sur sa route son ancien ami Montefiore qui le ruine définitivement au jeu. Montefiore : Militaire italien assassiné vers 1826. A épousé une anglaise. Montefiore est le vrai père de Juan Diard. Diard : Militaire puis homme d’affaire, tué par sa femme vers 1826. Epouse en 1811 Juana Mancini, d’où : Juan, en réalité le fils du capitaine Montefiore ; Francisque. Pérez de Lagounia : Famille espagnole de Tarragone, parents adoptifs de Juana Mancini.
1) Source analyse/histoire : Préface tirée du 24ème tome de La Comédie Humaine éditée chez France Loisirs en 1987, d’après le texte intégral publié sous la caution de la Société des Amis d’Honoré de Balzac, 45, rue de l’Abbé-Grégoire – 75006 Paris.
2) Les recherches généalogiques et les notes rapportées sur l’Histoire de Madame Diard proviennent des sources Wikipédia et Félicien Marceau « Balzac et son monde – Gallimard ».
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